Vivre sur pilotis

Qu’il vive en montagne ou au bord de l’eau, en Arctique ou encore dans le désert, l’homme de la préhistoire est étroitement lié à son milieu naturel, dont il dépend pour survivre.

Évoquer les peuples de l’eau de la préhistoire, c’est faire référence à l’eau en tant que principal environnement naturel de groupes de personnes qui, dans leur mode de vie, partagent plusieurs traits communs.Il y a plus de 6’000 ans, des populations néolithiques choisissent de s’installer sur les rives du Léman, ou sur celles des lacs de Neuchâtel, Bienne, Zurich: ce sont les fameux lacustres, désormais mieux connus du grand public grâce aux recherches archéologiques. 

À cheval sur les rives et sur l’eau, dans leurs maisons construites sur pilotis, les palafittes, ces femmes et ces hommes du Néolithique vivent d’agriculture et d’élevage, mais pas seulement; ils pratiquent aussi la chasse d’animaux sauvages et, bien sûr, la pêche. En effet, choisir l’eau comme environnement immédiat pour les villages ne signifie pas pour autant que l’arrière-pays soit délaissé: la forêt est défrichée à coups de hache polie pour établir des clairières destinées à l’agriculture et à l’élevage. Ainsi, villages lacustres et occupations terrestres se complètent dans la gestion du territoire. 

Vivre sur pilotis permet de maintenir l’habitat au sec, même installé au bord de l’eau. Les variations du niveau du lac sont alors une composante intégrée dans les choix architecturaux opérés. Occuper ce milieu humide n’est pas un geste anodin, car il nécessite la conception d’un plan d’implantation des maisons et des chemins de planches pour la circulation des personnes. 

Mais pourquoi choisir de s’installer sur l’eau? S’agit-il d’une réponse aux changements climatiques? D’un environnement protecteur et défensif dans un climat social alors tendu? D’un lieu propice à des rituels singuliers? De raisons culturelles? Il reste difficile de répondre précisément à ces questions. 

Les fonctionnements économiques et sociaux des peuples néolithiques, qui s’identifient notamment par une production de poteries singulières, se définissent également par la gestion de la production agricole et animale. Ces activités requièrent un approvisionnement indispensable en eau potable, faisant des peuples néolithiques de véritables gestionnaires de l’eau.


Marie Besse, Laboratoire d’archéologie préhistorique et anthropologie, Université de Genève

Illustration: Reconstructions de maisons sur pilotis du Néolithique et de l’âge du Bronze, parc archéologique de Unteruhldingen, Lac de Constance (Allemagne)©Marie Besse