Le thermalisme lémanique à la Belle Époque

Au cours du XIXe siècle, la pratique sociale du tourisme prend de l’ampleur en Europe. Elle génère un nouveau secteur économique, qui se déploie dans les régions côtières et celles riches en sources thermales, autour des lacs ou en montagne.

Dans ce contexte, la Suisse gagne progressivement une place de choix dans le paysage touristique européen. En 1876, un médecin d’origine allemande la décrit comme un «jardin de cure mondial». Son «bon air» des Alpes et ses 610 sources thermales et minérales (selon une estimation du Bureau fédéral de la statistique en 1870) séduisent une clientèle en provenance de toute l’Europe et même au-delà.

Associant les atouts du lac et la proximité des montagnes, l’Arc lémanique attire tant des touristes que des curistes, devenant rapidement l’une des destinations les plus prisées d’Europe. Le climat tempéré du lac et l’air pur des montagnes avoisinantes, associés à l’accès à une eau abondante et de qualité font de la région un lieu apprécié des médecins et des voyageurs étrangers soucieux de leur santé. Possédant un véritable capital symbolique, l’eau de source est primordiale pour le développement du tourisme, et a fortiori du tourisme thermal. Les affiches de la Belle Epoque jouent un rôle essentiel pour enjôler une clientèle étrangère fortunée. Elles illustrent aussi parfaitement comment la mise en valeur des atouts naturels d’une région entrecroise des arguments d’un discours à la fois touristique et médical, hygiénique et sportif.

L’affiche ci-dessous est réalisée vers 1905 par l’imprimerie A. Trüb & Cie à Aarau, spécialisée dans la promotion touristique: on y voit au premier plan une forêt de sapins du Jura vaudois avec le Grand Hôtel des Bains de Gimel au bas d’une colline. Le lac et les Alpes composent l’arrière-plan. Inauguré le 3 juillet 1898, ce grand hôtel comprend plusieurs annexes, dont une buvette directement reliée à la source alcaline de la Rosière. Les curistes se retrouvent à cet endroit, et y consomment l’eau de source, également vendue en pharmacie et dans des dépôts d’eaux minérales à Lausanne et Genève. Une installation d’hydrothérapie située en sous-sol du grand hôtel comporte une salle de douches avec piscine et diverses cabines de bains. Le Dr Edouard Meylan, responsable de l’infrastructure médicale, y prescrit des bains et des douches pour presque toutes les maladies, pendant que la clientèle bien-portante peut s’adonner à la natation.

Eaux de vie, Eaux de mort


Piergiuseppe Esposito, Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne)

Illustration: Le Grand Hôtel des Bains de Gimel vers 1905©BGE